MALAANU SUTURA (le voile des convenances)


Parler de viol a toujours été tabou. Mais avec la recrudescence de ce phénomène et le développement exponentiel des médias, il ne se passe pas un jour sans que les détails les plus salaces d'une agression sexuelle ne soient relatés. Si parler de sexe en général n'est plus tabou, une chose n'a pas changé, une opinion sexiste qui voit en la femme la source de tous les "fitna" (tourments) de la terre. 

Quand il y a un viol, on a vite fait de jeter l'anathème sur la victime ou sa mère. Certains incriminent les jeunes filles et femmes, véritables prédatrices, dont le port vestimentaire et le comportement sont une invite sans équivoque à l’acte sexuel. Dans un article paru dans le site d’information leral.net, le mardi 15 Novembre 2011 une ancienne ministre de la famille et des organisations féminines fustigeait ainsi les filles victimes de viol, à l'assemblée nationale pour les besoins du vote du projet du budget 2012 de son département. " Les filles sont de plus en plus des dévergondées et nous remarquons que le taux de viol augmente d'avantage. Je pense qu'il faudra faire des enquêtes poussées sur ce phénomène car les filles mineures ont de plus en plus tendance à faire des chantages à des autorités en leur réclamant des sommes faramineuses après avoir consentie à avoir des relation coupables avec eux"

Quand il s’agit d’un enfant, c’est forcément parce que sa mère ne l’a pas surveillé. La victime est vite stigmatisée et montrée du doigt comme celle qui a été violée. Pour reprendre l’autre, « on préfère préserver la dignité de l’homme ».

Les médias sénégalais en général prennent très à cœur le traitement de l’information relative au viol. Dans le cas d’une affaire impliquant un homme de notoriété publique et une jeune étudiante, de nombreux journaux et des sites dits d’informations ont relaté les péripéties avec tous les agréments dont ils ont le secret. La victime (alors présumée) a été dépeinte sous les traits d’une vamp transie de désir pour le « garçon » et son aura, comme une jeune fille ambitieuse qui voulait figurer au casting d’une télé réalité. Ailleurs, elle était une jeune fille rangée et bien éduquée, une élève brillante. Cette affaire fut traitée avec un manque d’éthique totale et un parfait mépris du devoir de réserve qui seyait en pareil circonstance, une affaire pendante devant la justice. La filiation, le nom, la photo de « la donzelle de 19ans » qui « sans scrupules a entrainé dans une « lourde et vilaine chute » un homme public ont été diffusés sur des sites d’informations et quelques canards. Dans les fora, elle a été insultée, vilipendée et elle aura obtenu ce qu’elle « voulait », « faire parler d’elle ».
Dans les sites, des fora donnent l’occasion à des internautes avisés de donner leur avis sur des cas de viols relatés. Chacun y va de son commentaire. « Les hommes ne violent pas, ce sont les femmes qui violent ». « Les femmes sont comme les lois, elles sont faites pour être violées » tance un internaute. Un autre peste contre le sexe faible, « les femmes nous amerdent avec les cas de viol » (sic). Une âme bien née en appelle à la miséricorde, « soyez comme le christ pardonnez le son erreur est humain wassalame » (sic). Sur le viol de deux petites filles par leur grand père, un autre dira « Grand père deful dara » grand père n’a rien fait, il a été malmené par sa libido car grand-mère a fait chambre à part. Certains internautes invitent les pères à bastonner leurs filles qui viendraient crier au viol après s’être rendue  dans un endroit ambigu. D’autres appellent à l’introspection, au retour à des valeurs ancestrales et religieuses, Certains demandent l’application de la charia pour lapider systématiquement présumé violeur et présumée victime qui se sont rendus coupables de toutes les façons d’adultère. D’aucuns ont même « demandé » à la victime d’épouser son agresseur pour éviter des peines de prison pour attentat à la pudeur et d’être déshonorée.
Bref, les avis des experts sont profonds et partagés sur la question. Fatou Kiné Camara, la présidente de l’association des femmes juristes elle, considère que « les hommes accusés d’agression sexuelle ne sont jamais stigmatisés (au contraire, pour la société en général ce sont eux les victimes, sauf si la personne violée est un garçon ou un bébé, c’est seulement dans ces cas que le violeur est perçu comme un pervers). En revanche, les victimes d’agression sexuelle sont toujours présentées comme des menteuses, des maîtres-chanteuses, des provocatrices, des mal-éduquées, des filles ou des femmes qui ont eu, en tous les cas, la leçon qu’elles méritaient ».
Ndèye Débo Seck

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