ENTRETIEN AVEC DOMINIQUE BARBE « NOTRE TRAVAIL C’EST D’AVOIR UN TRES BON SENS DES VOLUMES ET DE L’ERGONOMIE »


Dominique Barbe est designer, architecte  et décoratrice. Elle intervient sur tout le processus d’aménagement intérieur et extérieur, « de la construction au choix ou au design des cendriers ». C’est dans son appartement du centre ville dakarois qu’elle nous reçoit pour nous entretenir de sa profession.

Parlez-nous de votre travail
Nous avons une agence de design et d’architecture d’intérieur et d’extérieur. Notre travail consiste à avoir un très bon sens des volumes et des ergonomies. Nous travaillons depuis la problématique de départ, cela peut être la construction, la rénovation, l’évènementiel. Nous analysons les besoins et nous y répondons en technique, en ergonomie, en décoration, en design et en scénographie. Si quelqu’un vient me voir et me dit qu’il veut une maison avec un budget de 10 millions, je dois pouvoir répondre à ce besoin, finir en temps et en heure le projet dans la limite des moyens disponibles.


Comment êtes vous venue à la décoration et au design ?
Je suis complètement autodidacte, mais je peux dire que j’ai fait ce métier toute ma vie.  J’ai toujours voulu faire de la création. Mais le contexte ne s’y prêtait pas. En parallèle à mon travail, j’ai fait des montres pour une grande marque, j’ai dessiné des maillots de bains pour la princesse Stéphanie de Monaco, à mon arrivée à Dakar en 1995, j’ai fait la rencontre de beaucoup d’artisans. Nous avons installé des ateliers où nous faisions travailler une quinzaine d’activités de l’artisanat. J’ai travaillé avec eux, en revisitant ce qu’ils faisaient ou en créant complètement de nouvelles choses.
Comment procédez vous ?
Selon le projet, une maison, un immeuble ancien, une scénographie, un évènementiel, il faut savoir dans quel sens travailler. A partir du moment où on a la ligne conductrice, il ya un travail de réflexion et de recherche à faire sur les matériaux par exemple. Si c’est un bâtiment à rénover, il faut garder l’âme de la structure et agencer à l’intérieur pour apporter une touche moderne adaptée aux besoins du client. Il faut également beaucoup échanger avec le client. Il y a beaucoup de psychologie dans notre travail. Par exemple si c’est une entreprise, il faut en étudier l’ergonomie, sa façon de fonctionner,  interroger les personnes trouvées sur place. Après il faut soumettre des idées, ensuite nous faisons des propositions. Il est très important de faire le rendu en plans virtuels, 3D, 2D pour montrer les espaces. Il faut tout construire sur ordinateur. Si le client est convaincu, nous montons les matériaux.
Qu’appelez vous la ligne conductrice ?
C’est de savoir dans quel sens nous allons travailler. Nous faisons par exemple des cahiers de tendances : dessins de mobilier, des modèles d’intérieurs aménagés, de façades, d’immeuble, nous proposons une palette de couleurs en rapport avec le besoin du client. 
Parlez nous d’un projet sur lequel vous avez travaillé
Lors du FESMAN nous avons travaillé sur différents spots et installation à la Biscuiterie de Médina. C’était d’une part de la scénographie mais aussi du design car on a produit des choses pour les mettre en scène. Nous avons réfléchi sur les thèmes, la problématique c’était d’installer un café littéraire, une salle de  restaurant de 210 personnes en deux mois. Les espaces étaient très grands, 2500 mètres carré. Il fallait être très créatif pour faire les choses rapidement, que le rendu soit beau et intelligent. Le lieu même de la biscuiterie était révélateur. La ligne conductrice était de savoir quelle récupération industrielle faire pour avoir un milieu hype et très design. Pour le restaurant,  les canapés étaient en tube de W.C avec des coussins dessus, des sacs de ciment ont fait office d’arrière plan. Avec du vert fixé sur de  grandes piles de papier blanc, nous avons fait des tables. Pour le café littéraire, nous avons acheté des glacières que nous avons repeintes pour faire une bibliothèque. Nous avons fabriqué des baobabs en bois pour le décor. Le tout selon une architecture africaine un peu du style de la période Senghor.

Quelle formation fait-on pour être  designer d’intérieur ? les formations sont-elles accessibles, disponibles au Sénégal ?
Certains professionnels sont formés en design, en techniques de décoration, en architecture. Malheureusement il n y a pas de formation spécifique en techniques de design, de décoration au Sénégal. Beaucoup de gens s’inventent décorateur.
Il y a la décoration, le design, l’aménagement, l’architecture, la scénographie quelle est la marge entre ces différentes entités ?
Au Sénégal les architectes s’arrêtent beaucoup à un travail d’architecture. Ils sont rarement dans les détails relatifs à l’aménagement des intérieurs. Ils sont dans des simplifications car les tâches sont bien définies. Il s’agit de voir comment faire la décoration, y compris dans le choix des matériaux, des carrelages. Dans notre agence nous allons dans le grand détail de savoir comment les gens vivent. La décoration c’est de savoir comment une personne vit. Ce n’est pas de venir chez quelqu’un et apposer son style. C’est regarder ce que les gens aiment, identifier leurs besoins, leur apporter des solutions. Essayer de correspondre au maximum à leur manière d’être, leur personnalité.


Pourquoi a-t-on besoin d’un aménageur d’intérieur ?
Parce que que on a envie de construire sans avoir de problème.  Les gens ont recours à nous pour avoir une construction intelligente de leur espace. Ils veulent du neuf.  En plus, ils n’ont plus le temps, beaucoup d’entre eux travaillent. Donc ils se déchargent sur les spécialistes.
La décoration d’intérieur est-elle une réalité au Sénégal ? Les sénégalais consomment-ils ?
Il y a de plus en plus de demandes, essentiellement des sénégalais. C'est-à-dire que notre clientèle est de plus en plus africaine. Elle n’est pas forcément milliardaire. Ce sont des cadres, des particuliers, des entreprises de divers secteurs d’activités et aussi beaucoup d’amis qui font appel à nous pour construire et/ou aménager leurs maisons.Les gens ont de plus en plus envie soit de construire et d’aménager intelligemment leur maison pour louer, habiter. Le paysage dakarois a énormément changé. En 5ans, les choses ont beaucoup évolué en matière d’architecture, de design et de décoration. Des complexes comme Tellium ont  beaucoup fait évoluer les mentalités en la matière. Donc, c’est une vraie réalité.
Quelles sont les tendances, les influences du moment en la matière ?
la tendance aurait tendance à être ce qu’on trouve, (rires). Il est vrai que l’offre de matériaux a évolué, il y a des influences, des tendances qui se dessinent, par exemple certains voudront une tendance Radisson, des tons gris et blancs. Il y a une vrai évolution avec des aménagements intelligents, du confort. Ça s’ouvre, ça respire, tout en gardant une culture africaine dans l’ergonomie même de l’appartement ou de la maison. Je regrette juste qu’il n’y ait pas de tendance réellement sénégalaise. Il yen a de temps à autre, mais quand on arrive à Dakar, on ne sait pas si on est en Afrique ou non.
Quel avenir pour la profession au Sénégal ?
Il y’a de l’avenir car il ya beaucoup de savoir faire local, donc une des contraintes du secteur, c’est d’utiliser cette expertise car il y a un gros marché en artisanat, en arts plastiques où il ya des choses fantastiques qui se font. Il ya la récupération. Mais il faut aussi que les artisans s’organisent, qu’il y ait de la créativité. Et aussi sensibiliser pour que les amateurs consomment local.
Quels conseils donnez vous à ceux veulent faire de l’aménagement maison et qui n’ont pas les moyens de recourir au professionnels ?
La première chose c’est de réfléchir à ce dont on a envie pour se sentir bien.  Il faut écouter ses goûts, suivre son inspiration. Il faut savoir ce dont, on a besoin, être méthodique sur la manière. On peut s’inspirer de tout, il y a internet, les magazines spécialisés. On peut devenir soi même créateur. Il faut juste creuser car avec très peu de moyens on peut faire de très belles choses.
                                                                                                                                Ndèye Débo Seck

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