La médiasphère sénégalaise ou de l'art de parler de la pluie et du beau temps

Le dimanche 22 Avril 2012, des cris de joie ont accueilli la fin du combat de lutte Yékini vs Balla Gaye II. Des fans du vainqueur sont sortis en liesse célébrer leur champion. Accolades, pétards, sifflets et hurlements à tue-tête, tout y est passé. Dans l'autre camp la déception n'en était pas moins marquée de cris, de pleures et de crises.

Des semaines après, le combat que beaucoup avaient pompeusement appelé « combat du siècle », nourrit encore les discussions et la polémique dans les salons, grand-places, bus et marchés. Il a fait les choux gras de la presse qui n’a pas manqué de lui consacrer ses Unes et des pages spéciales. Des journalistes chevronnés et des spécialistes de tout acabit ont passé en revue "les armes de destruction mystique", la forme physique des lutteurs, les dispositions technico-tactiques, les mesures de sécurité impressionnantes. Bref, la presse sénégalaise a eu du pain sur la planche ces derniers jours.
Avant ces joutes épiques, les élections présidentielles, et la nouvelle opposition de l'ancien parti au pouvoir ont tenu le haut du pavé dans l'actualité de notre pays.
Ces dernières années, les journalistes ne sont pas ennuyés. Entre les scandales quasi quotidiens de l'alternance, la campagne électorale permanente de l'ancien président de la république, le crêpage de chignons et les querelles de positionnement au sein des entités politiques, et la vie oh tellement intéressante et palpitante des people, la presse sénégalaise a toujours été sur le qui-vive pour servir à l'opinion des informations de haute facture et de premier plan.
Le paysage médiatique de notre pays est marqué par le ludique, le divertissement, les séries étrangères à l'eau de rose suspectées (à raison?) d'abrutissement des masses. Le fait divers et le micro-trottoir semblent être devenus des genres journalistiques à part entière. Nos collègues, dans leur collecte ne font pas toujours les recoupements et vérifications nécessaires à toute information fiable. Ils sont nombreux à faire l'objet de plaintes pour dénonciation calomnieuse, faisant peu cas de l'usage adéquat de la langue de travail. Tout celà dénote, pour reprendre Mame Less Camara d’ « une incapacité à mettre en adéquation la réalité des faits et la justesse des mots ».
-Peut-on reprocher aux organes de presse d'adopter la ligne éditoriale qu'ils veulent?
-Bien sur que non!
Il ne faut pas non plus trop leur en demander, qu'ils soient « une corporation qui fait métier de chercher et dire la vérité en vertu du droit du public à l'information ».
Avant tout, ces organes sont des entreprises, qui ont besoin de vendre leurs produits. Et ils n'ont pas toujours les ressources financières, techniques et humaines pour produire et publier l'information qu'on est en droit d'attendre d'eux, une information fiable, basée sur les faits, actuelle et utile. Les stagiaires voire les journalistes recrutés sont souvent très mal lotis. Combien d’entre eux sont salariés selon les conventions ? Combien bénéficient de la sécurité sociale? Combien ont été formés? Avec tous ces facteurs, faut-il s'étonner d'avoir les faits divers et la vie des people en guise de Unes; des articles de première importance comme la virginité des femmes, les divorces répétées d'un tel, la grossesse d'une telle, les nombreuses femmes d'un tel autre. Ces sujets sont autrement plus importants que la famine qui menace au Sénégal, les crises anachroniques des hôpitaux, dans les secteurs de l'agriculture et de l'éducation.
Que faire pour stopper l'hémorragie? Des pistes de réflexion sont données par Papa Samba Kane dans son livre « Les pages sombres de la presse » (les écrits d'Augias, 2009). Une grande introspection est en tout cas nécessaire, pour que la corporation puisse « compter parmi ceux qui pensent ce pays, orientent ces choix, pèsent sur son destin ».

Ndeye Débo Seck



Commentaires

  1. I like it, as always le style est clair vif et va droit au but.
    Cependant je ne partage pas toute la thèse, si les sénégalais ont des journalistes qui ne vont pas dans le fond, c'est peut être que le fond ne les interesse pas, ce qui les interesse c'est le superficiel, les querelles sans lendemain ne queue ni tête. Il n'y a qu'à voir le succés de site comme seneweb, facedakar ou d'autres coquilles vides encore où il suffit de poster n'importe quel titre pour voir des centaines de gens affluer et faire des commentaires n'ayant ni queues ni tête. Donc je suis d'accord que la presse sénégalaise manque de profondeur, mais est ce que les sénégalais veulent de la profondeur et sont il pret à payer plus pour l'avoir ? that is the question

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  2. j'aime bcp c'est sarcastique à souhait, c'est drôle et piquant la critique est juste et est abordée avec un ton détachée qui ne tombe pas dans les méandres de la passion (qui nuit tjrs à une bonne critique)tu devrais continuer dans le journalisme!
    bisous soeurette!

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