LEÇONS D’ECONOMIE DOMESTIQUE


Le paysage médiatique sénégalais s’est enrichi ces dernières années de nouvelles chaines de télévisions. Les novices ont des émissions dédiés en général à la société et en particulier aux femmes, aux hommes, aux jeunes. Les programmes « féminins » ont véritablement le vent en poupe. Ils sont diffusés à des heures bien précises à l’attention d’un public constitué majoritairement de femmes au foyer qui les suivent entre la cuisine et les tâches ménagères. Ils ont pour noms, « le coin des femmes », « la maison », « le devoir », « la bonne femme et son foyer », « votre vie ». Leurs thématiques tournent souvent autour de la beauté, de la mode, de la santé, de l’éducation, de la maternité, de la sexualité, la souffrance des femmes, la maladie des hommes, bref on en dit des choses sérieuses. Ce qui est heureux dans ces émissions, c’est que la téléspectatrice et le téléspectateur, oui, les hommes aussi sont concernés, peuvent appeler. Ce n’est pas gratuit. Mais bon, voilà ; ils peuvent appeler, donner leur avis, y’en a qui peuvent même dénigrer l’animatrice en direct, c’est vraiment de bons moments de partage et d’échanges autour de questions essentielles.

Et pour discuter de toutes ces préoccupations, il vous faut une « belle » animatrice. Affublée d’une tignasse à base de cheveux naturels, portant de longs faux cils qu’elle sait battre avec grâce, enchaînée dans des bijoux clinquants, maquillée à profusion, et qui sait dire entre autres choses intéressantes, d’une voix suave et féminine un « ndeisan » très à propos. Car paraître à la télé demande un attirail que nos animatrices vont chercher dans le sponsoring, complexe de couture, de coiffure, boutiques spécialisées en cosmétiques et autres produits de consommation. Elles sont très opportunes ces tribunes, car nos bonnes dames ne savent plus comment s’occuper de leurs foyers et de leur homme.

Tenez, la dame Diarra Sow, comment voulez-vous, avec ses 10 enfants, qu’elle s’occupe comme il faut de monsieur son mari. Imaginez-vous qu’elle a en tête de cultiver une exploitation familiale de maraichage pour subvenir aux besoins de la famille. Bien mal lui en a pris, le bon messieur en a pris une deuxième. Quant à Salimata Dia, elle ne ressemble vraiment à rien dans sa camisole « Khartoum » usée. Tant elle est éreintée par ses activités marchandes. Elle s’obstine à vouloir tirer des revenus de la transformation de produits halieutiques de plus en plus rares.
Qu’est-ce qu’elles peuvent bien savoir de la manière d’entretenir un homme, toutes ces dames qui quittent chaque jour leur foyer à 4h du matin, panier sur la tête, boubou flottant, les reins cinglés par le vent et la dignité malmenée par les apprentis « car-rapides ». Elles ont décidément besoin qu’on leur apprenne à tenir une maison. Mesdames, prenez en de la graine. Comme elle chante, l’autre là « ni ngen key deffee du noo nu », (vous ne savez pas y faire).

La présence massive des femmes animatrices et présentatrices sur les écrans est symptomatique d’un nouveau paradigme dans le paysage audiovisuel sénégalais, la féminisation des espaces publics et d’expression que sont les télévisions. Elle est un pied de nez à un préjugé courant dans nos sociétés, les femmes ne sont pas admises dans les sphères publiques. En outre elle me fait penser à un extrait d’un présumé « manuel d’économie domestique pour jeunes filles » publié en 1960 en France. Le dit manuel comporte différentes leçons sur la manière de tenir un foyer, de satisfaire son époux. Il a suscité des débats virtuels et passionnants sur le sexisme occidental qui n’a accordé le droit de vote aux femmes qu’à partir du 20ème siècle. D’aucuns dans la blogosphère disent que ce livret n’est pas authentique. Enfin, qu’il le soit ou non, il cadre bien avec les prédications d’un certain clergé de l’époque victorienne en Angleterre et du courant positiviste d’Auguste Compte.

Le Bémol est que cette apparente émancipation n’en est pas, à mon sens. Elle prend les formes d’une nouvelle bienpensance qui célèbre et sanctifie la morale, la soumission, la vertu, l’honnêteté, la solidarité, valeurs bien cardinales (enfin ça dépend des points de vue) , mais à l’heure où la criminalité et la violence ne cessent de croître, il me semble plus opportun d’édifier les sénégalais et les sénégalaises sur des questions autrement plus importantes que leur sexualité, la formule magique pour un bon ménage ou encore la solution miracle contre le mauvais œil.
Que suis-je rabat joie, « SILENCE ! ON DIVERTIT »


Ndèye Débo Seck

Commentaires

  1. C'est un Bon article. Même si à mon avis les noms des emissions doivent être cités dans leur originalité en mettant des notes de Bas de Page par exemple.
    en lisant aussi j'ai vu que de la TFM/ lool

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  2. c'est vrai, mais enfin, j'ai préféré ne pas les citer nommément et aussi, il y'en a pour toutes les télés ici, mais j'ai fait la part belle à la TFM :-)

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