La nuit de l'Imoko de Boubacar Boris Diop

Dans son premier recueil de nouvelles, La Nuit de l'Imoko Boubacar Boris Diop traite de questions qui interpellent les sociétés africaines contemporaines. La réflexion y est posée sur les médias, l'immigration, la gouvernance, la « Françafrique », les inégalités sociales. Autant de sujets re-visités par l'auteur et à travers lesquels, il jette un regard sans complaisance sur une société en pleines mutations.
La nuit de l'Imoko est un ouvrage composé de sept nouvelles écrites entre 1998 et 2012. Le narrateur y raconte les histoires souvent tragiques de petites gens pris dans les filets inextricables de la misère et les tribulations de « richards » souvent grisés par le pouvoir et aveuglés par les privilèges.
Entre autres histoires, il y a celle de Diallo, dont le nom véritable n'est pas Diallo d'ailleurs. Il a quitté sa contrée natale pour venir s'enterrer à la périphérie de la luxuriance et de l'arrogance des gens de la haute société. L'homme sans nom a voulu être du nombre des humains, il revendiquait sa part de dignité. Le pauvre bougre tue son patron au bout de cinq années de bons et loyaux services.
« Il voulut dire son nom à monsieur Soumaré et il en était mort ». Cette nouvelle est aussi l'occasion pour Boris Diop de poser un regard sur le sort très peu enviable des domestiques. Ces petites bonnes taillables et corvéables à merci sont marchandées à la va-vite par des patronnes acariâtres. Sordide ironie, c'est entre les cuisses de ces malheureuses que les maris des patronnes viennent gémir certains soirs.
Le recueil raconte aussi l'histoire de Myriem accusée à tort de trafic d'enfants. Le tort de Myriem, est sans doute de travailler dur et de s'être faite une place au soleil avec sa famille. De plus, elle vient en aide à son prochain, ici, des enfants indigents et laissés à eux-mêmes. Son crédo : « ces petits aussi ont droit à un bon départ dans la vie ». Dans « la petite vieille », ce sont les rapports parfois malsains entre une ancienne colonie et une puissance coloniale, la France pour ne pas la nommer, qui sont examinés.
À l'image de l'ancienne puissance coloniale, omniprésente, Lucie de Braumberg est à toutes les sauces. Elle crée des jurys de cinéma, elle peut vous changer la vie. La petite vieille «est à tu et à toi avec tous ces gens-là ». Le personnage n'hésite pas à remonter les bretelles au président « On veut voir les puits et les cases de santé sortir de terre, hein ! » tonne-t-elle.
Elle a beau avoir des petits déjeuners de travail avec le président elle n'en fricote pas moins avec le Colonel Kanté, l'auteur du coup d'Etat qui le destitue et au cours duquel il est égorgé « comme un vulgaire cochon ». Diallo, Myriem, les petites bonnes, Lucie de Braumberg, Malick Cissé et Ardo sont pourtant dans une société qui admet que les « hommes naissent libres et égaux».
« Tu parles », tance le narrateur. Dans les faits, ces nobles notions sont une grande plaisanterie. Ces petites gens sont condamnées par les mêmes qui sont censés être garants des libertés individuelles et de la justice sociale. Les tenants du pouvoir ont échoué, pour preuve des enfants dorment encore dans la rue, des opposants sont torturés et le fossé entre riches et pauvres est bien grand. Ceux que Boris Diop appelle les élites urbaines ont confisqué la démocratie et le narrateur «se rend compte que ce changement toujours promis est constamment différé».
Dans « la Nuit de l'Imoko », il n'est pas seulement question d'histoires sordides et de destins tragiques.
Le narrateur de « Retour à Ndar-geej » dépeint avec nostalgie une ville jadis sereine et lumineuse, où « le passé n'en finit pas d'éblouir le présent ». La douceur de vivre d'hier a fait place à la débrouille vulgaire et bavarde d'aujourd'hui. La ville est devenue introuvable, malsaine et chaotique. Les gens courent dans tous les sens.
« C'est qu'il faut se hâter désormais pour gagner sa vie, puisque cela ne vaut plus rien de la vivre ». Ndar Geej est selon le narrateur l'expression sublime de la sénégalité ; « une métropole dynamique, fière de son passé, mais résolument tournée vers l'avenir ».
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