Felwine Sarr - Dialogue avec «Le fils de l'instant»

« Au coeur de la littérature avec Felwine Sarr : la construction de soi ». 
Mamadou Felwine Sarr ne saurait dire pourquoi il écrit car « les raisons pour lesquelles on écrit sont toujours énigmatiques et mystérieuses». Entre autres, il écrit «pour y voir plus clair, pour faire le point et pour faire trace ». A l'âge du « milieu du chemin de la vie », ce sérère bon teint de Niodior a publié trois oeuvres, Dahij paru en 2009 chez Gallimard, 105 Rue Carnot, et Méditations Africaines tous deux parus chez Mémoires d'encriers, respectivement en 2011 et en 2012.
L'auteur inscrit l'acte d'écriture dans une démarche relationnelle pour entreprendre un dialogue silencieux et exigeant et pour faire oeuvre d'altérité. Car dit-il, «je ne suis pas seul au monde, l'altérité nous constitue, sans les autres nous ne sommes pas».
Celui qui se définit comme «le fils de l'instant» considère que l'acte d'écrire c'est réussir à écrire ce « qui nous habite avec les langages dont on dispose». Avec Dahij, Felwine Sarr a tenté de faire une découverte de son identité intime. C'est l'histoire d'un jihad, d'une guerre intérieure pour sortir de soi, interroger les héritages.
Cette construction de soi se fait après avoir tout remis à plat, interrogé et déconstruit les héritages et les déterminations avant de les reconstruire. Une telle démarche permet à l'artiste de sortir de l'exclusivisme et d'aller vers toutes les richesses. « La lumière ne brille pas que d'un côté du ciel».
Felwine Sarr considère qu'il manque les voix de l'individualité. Faire oeuvre d'individualité est une tâche difficile en raison de la violence symbolique très forte et du regard social. Toutefois ce combat de bâtir des individualités est bénéfique au groupe car les individus dans leur ensemble ont soif de liberté intérieure, de choix personnel. Ils ne sont pas des êtres de répétition car « les gens créent en dehors du regard social ».
L'auteur invite ainsi ses lecteurs et plus généralement les individus à cultiver l'esprit critique. « Il faut préserver une liberté de ton et de parole, préserver des espaces de dialogue et de diversité». Dans ce sens, l'écriture est une oeuvre de liberté et de lumière. Les lettres et les arts, sont des espaces où se cultive l'esprit critique.
Une oeuvre n'arrête pas la fonction créatrice du langage. Bien au contraire, écrire, c'est ruser avec le langage et la langue «pour que quelque chose qui est au-delà de la langue soit dit». Le texte, l’œuvre ont leur vie propre, leur destin propre, car ils participent «du grand récit de notre humanité qui n'est pas fini». C'est en ce sens que l'art est un éloge de l'infini.
Dans ce dialogue au coeur de la littérature, le lecteur, critique est bien tenté de demander «que vaut tout ce que nous édifions» puisque «tout disparaîtra». Ce qui est écrit vaut par ce qu' « il est mûrissement » et par le fait qu' « il condense toute l'expérience de celui qui écrit et de ceux qui ont persisté à travers lui ». Ce qui n'oppose pas oralité et écriture, les sociétés africaines dites orales ont eu leurs systèmes d'écriture, la différence est que celle-ci n'a pas été transmetteur du savoir.
Felwine Sarr invite à continuer la réflexion, et l’œuvre d'interrogation, dans la mesure où «le jihad continue».
publie dans le sud quotidien du 3 NOVEMBRE 2012

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