Les noirs, ces «damnes de la terre»

«Etre noir est le produit d'un rapport social, il y a des noirs parce qu'on les considère comme tels», explique l'historien français, Pap Ndiaye dans son ouvrage, «La condition noire». C'est une catégorie historiquement construite avec des sous groupes caractérisés par des peaux plus ou moins foncées et qui font l'objet de traitements différenciés.
C'est ainsi que la «malédiction de Cham», épisode biblique au cours duquel Noé maudit la descendance de son fils, a longtemps fourni une caution religieuse à la dépréciation des peuples d'Afrique noire et à leur réduction en esclavage.
«Qu'il soit l'esclave des esclaves de ses frères», aurait dit le prophète, suite à une grave faute de son fils Cham. La descendance de dernier a, dit-on, peuplé l'Éthiopie, l'Égypte et l'Arabie et ce qui est aujourd'hui la Palestine. Cette idéologie a défini des canons de beauté où les Noirs étaient généralement exclus en raison de leurs traits (nez épaté, cheveux crépus, etc.) jugés laids.
Des recherches ont montré que cette dépréciation des traits du noir a eu des conséquences psychologiques désastreuses sur les afro-américains au 19ème siècle. Tour à tour, l'esclavage, le racisme et la ségrégation raciale ont cultivé en leur sein un racisme internalisé, une haine de soi qui ont fait le lit de pratiques discriminatoires. C'est ainsi que des «Brown Paper Bag Test», (sacs en papier beige) étaient accrochés à l'entrée de certains édifices qui n'admettaient pas des noirs dont le teint était plus foncé que le sac. Ces pratiques ont donné naissance à un système de castes au sein de la communauté noire, le colorism , célébrant la supériorité des «Light skinned» (personnes de peau claire). Aussi de nombreux noirs s'adonnaient-ils à la dépigmentation et au lissage des cheveux pour intégrer ces canons de beauté. L'écrivain afro-américain James Baldwin dira qu'on mesure le progrès social des noirs à leur capacité à devenir blancs. 

Connotations négatives 
Dans certaines sociétés, la couleur noire est synonyme de mal, de tristesse, d'austérité, de ténèbres. Il est porté en signe de deuil et d'affliction. Par définition, la couleur noir n'émet ni ne reflète aucune part du spectre de lumière visible. Elle est sans teinte donc «invisible». Le drapeau des pirates et des anarchistes est de couleur noire. Dans l'Égypte antique, le noir avait une symbolique positive. Dans la langue des pharaons, le verbe «kem», qui est tiré du mot «noir», veut dire «mener à bien, s'élever à, accomplir, payer, compléter, servir à» mais aussi «être noir». Le mot «kem» veut dire aussi : «complet, parfait, obligation, devoir».
Le terme noir a une connotation négative dans plusieurs expressions. 
-On dit par exemple «avoir des idées noires» ou « broyer du noir » quand on rumine des idées négatives.
-Un humour noir désigne un humour qui souligne avec cruauté, amertume et parfois désespoir l'absurdité du monde. Une liste noire rassemble des noms d'individus ou d'entités jugés indésirables, hostiles ou ennemis.
-Le mouton noir est une métaphore désignant une personne qui ne rentre pas dans la norme, dont le comportement est réprouvé, donc exclue et marginale.
-La bête noire désigne une chose ou une personne crainte et redoutée
-Le marché noir est un marché clandestin qui peut se faire la nuit, il contourne les restrictions réglementaires et fiscales et permet d'écouler des marchandises illégales
-On dit travailler au noir pour désigner des activités salariées ou non exercées de manière occulte sans tenir compte des réglementations en vigueur
«Black is beautiful»
La colonisation en Afrique a joué un rôle dans l'établissement des hiérarchies mélaniques. Des villes comme Saint louis et Gorée étaient en général administrées par des élites métisses. Les Africains à la peau claire bénéficiaient d'avantages particuliers, comme la nationalité française. Les produits de dépigmentation sont utilisés pour corriger le handicap social représenté par une peau sombre.
Dans les années 60, le mouvement culturel afro-américain a impulsé le slogan «black is beautiful». Il rejette la conception selon laquelle les attributs naturels des noirs, la couleur de la peau, les traits faciaux, les cheveux, sont laids. Le slogan a été repris par de nombreux mouvements notamment le Black Consciousness Movement (BCM) en Afrique du Sud. Le BCM, mouvement anti apartheid, avait été théorisé au milieu des années 60 par Steve Biko pour combler le vide laissé par les leaders emprisonnés de l'ANC et le massacre de Sharpeville. Il a trouvé un écho avec la création d'autres courants comme la négritude, et auprès de théoriciens comme Frantz fanon et Amilcar Cabral.

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