le colosse de Soumbédioune

A la lisière de Soumbédioune, un homme se démarque du groupe des pêcheurs, jeunes et anciens. Tant par sa stature que par sa manière d’être, Baye Ada Sow ne laisse pas indifférent et sur la baie c’est d’une voix unanime que les éloges fusent.


Des pirogues, des abris communément appelés « mbar », des filets, Soumbédioune, c’est le havre de Baye Ada. La cinquantaine bien sonnée, il affiche comme qui dirait cette vigueur des hommes de la mer. Quoi de plus naturel pour un fils de pêcheur. Car comme son nom de famille ne l’indique pas Baye Ada Sow est lébou, et la pêche c’est toute sa vie. Il s’est pour ainsi dire pris les pieds dans les filets à  l’âge de 10 ans. Baye Ada est ce qu’on pourrait appeler un colosse mais malgrè sa voix rauque et la conviction dans ses propos, il émane de toute sa personne une affabilité qui semble débonnaire.
Pendant 20 ans ce renard des mers a pratiqué toutes les méthodes et vogué au grè des campagnes. Après avoir décroché, il est devenu mareyeur. Mais ce qui est remarquable, et constant chez ce fervent talibé mouride, c’est son bon coeur et son sens de la famille. Quand il pêchait c’était avec ses frères et ils s’évertuaient à  subvenir aux besoins de toute la fratrie. Son cousin Pape Mbengue témoigne «  Baye Ada, c’est la bonté, tout  ceux qui travaillent dans le secteur  peuvent en attester, de Soumbédioune à  Yarakh en passant par le marché central [au poisson de thiaroye]». Cette renommée lui a valu une épouse. Un homme ayant eu vent de son altruisme, lui a donné sa fille en mariage.
Partager pour Baye Ada, aux delà  des mots et des témoignages, c’est du concret. Au retour d’une campagne de pêche, à  l’image d’un illustre lébou, Mame Baye Laye, fondateur de la confrérie layène, il récupèrait sa part pour la répartir entre des personnes de son entourage. Donner, toujours donner, encore donner, un sacerdoce qu’il n’a de cesse de nourrir.
Depuis 33 ans, il s’est assigné une tâche et il n y a jamais manqué.
En période de ramadan, il n’est pas rare de trouver Baye Ada en train de nettoyer et d’astiquer bouteilles et ustensiles dans lesquels il offre ndogu et rafraîchissements à  des nécessiteux. C’est le mois de la miséricorde, période indiquée pour la solidarité.
Avant le pêcheur offrait du poisson braisé, mais avec le soutien de bonnes volontés il a pu depuis quelques années améliorer le menu.  Maintenant, c’est du café touba, très prisé, de l’eau, des dattes et des mets plus consistants. Si cette philanthropie dure tout le mois béni, la 21ème nuit en est un rendez-vous incontournable. En plus d’être un moment de prières pour la gloire de Dieu, la nuit du Khadr est l’occasion pour de nombreuses personnes de faire ripaille. Pour cette occasion, il  bénéficie d’un boeuf et des mets en abondance. Une motivation de plus pour continuer ses actions.
Sur la raréfaction des produits halieutiques, Baye  Ada déclare que c’est la volonté du Seigneur. « Il y a quelques années, la mer semblait contenir plus de poissons qu’elle n’en pouvait ». Il admet que l’activité est confrontée à  de réelles difficultés, dont l’immigration clandestine. Les temps ont changé et le vieux pêcheur regrette surtout que les jeunes soient aujourd’hui aveuglés par le matérialisme. « De nos jours de nombreux jeunes ne pensent qu’à  une réussite sociale ponctuelle». Il ajoute que la pêche a toujours fait vivre de nombreuses familles. Transmise de père en fils, cette activité séculaire a généré de nombreux emplois avec toute une chaîne allant de la prise en mer à  la revente sur les marchés.
Baye Ada est optimiste car en dépit de la disette de ces derniers temps, il y a des moments fastes où le poisson est abondant. « La bonté du Seigneur est infini et la mer contient de quoi nourrir toute la nation ».
Un optimisme que rien n’altère. En dépit de la conjoncture difficile, Baye Ada a de la ressource et de la motivation pour continuer à oeuvrer pour soulager son prochain, au quotidien.
 
Ndèye Débo Seck

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