Techniciennes de surface de pompier, une routine laborieuse

Article écrit en septembre 2009, depuis les baraquements ont été rasés et de nombreux habitants déguerpis, si des irréductibles y demeurent toujours, ou continuent de mener leurs petites affaires, la majorité, des femmes surtout, a quitté pour d'autres bidonvilles dans Dakar.

Derrière le garage « pompier » de Dakar, des chemins de traverse donne sur un amas de tuiles, de tôles et de zinc.  Ils constituent un dortoir et un lieu de travail pour de nombreuses gens originairesde la campagne qui s’activent dans l’informel. 


Entre ces baraquements sont plantées quelques constructions en dure dont la peinture n’a pas résisté à l’assaut du temps. On est surpris de voir que cet endroit est habité, tant il fait penser à  un taudis. Ces habitations se sont agglomérées à d’anciens restaurants, dans lesquels de nombreuses femmes gagnaient leur subsistance quotidienne.
Madame Ciss raconte « ces gargotes nous ont été alloués par l’état. Elles ont été inaugurées par le premier ministre Abdou Diouf. C’était juste un lieu de travail, car nous avions déjà nos domiciles ».  Les premières habitantes étaient des femmes qui puisaient de l’eau du robinet de la gargote pour approvisionner des mécaniciens du garage. Elles ont fini par s’installer pour plus de commodité. Au fur et à mesure, elles ont été suivies par des ménages, puis des familles entières. Ils sont originaires du Baol, du Cayor et parfois de la sous-région.
  D’après Madame Ciss, l’ancien gouverneur de Dakar Thierno Birahim Ndao visitait régulièrement les lieux pour s’enquérir de l’état de leurs affaires. « Depuis, le nouveau maire de Dakar est la seule autorité qui se soit déplacée ».
Mais Aujourd’hui les restaurants ont fait place à des baraquements où vivent des « techniciennes de surface ». Comme Madame Ciss, d’autres personnes sont propriétaires d’anciennes gargotes qu’elles louent à des femmes issues de l’exode rural. Elles sont lingères ou  bonnes. Pour ces femmes, travailler dur c’est la routine. Même si certaines jugent leurs revenues dérisoires, elles ne rechignent jamais devant la besogne.
Certaines lavandières sont payées 6000f par mois en raison d’un linge par semaine et par maison. Aussi il n’est pas rare de voir parmi elles qui travaillent pendant toute une journée, 6 jours sur 7. D’autres se déplacent jusqu’à Mermoz pour satisfaire leur clientèle. Pour les bonnes, le salaire varie, les plus jeunes peuvent percevoir environ 10 000 f par mois. La paye des plus âgées peut atteindre 25000f. Mais Awa témoigne « je travaillais comme bonne, mais les patronnes invoquent souvent des difficultés pour ne pas payer régulièrement ». Ainsi, elle s’est retrouvée à faire le linge pour différentes familles. « C’est difficile, nous devons payer chaque mois 20000f à notre propriétaire ».
Pompier demeure aussi le lieu de travail de nombreuses gens. Madame Ciss tient boutique près de son ancien restaurant. Estampillée Sant Yalla, son échoppe approvisionne passants et habitants en cigarettes, biscuits ou autres détergents. Une jeune fille trouvée dans une gargote révèle qu’elle n’habite pas pompier, elle vient tous les matins pour travailler et rentre chez elle le soir. C’est aussi le cas de la majorité des hommes. Certains viennent des quartiers alentour pour travailler dans les ateliers menuiserie, couture ou encore comme mécaniciens. « Nos maris sont pour la plupart restés au village » confie Awa.
A pompier, rares sont les enfants scolarisés. Pour la majorité des filles, certaines travaillent comme bonnes dans les environs, le camp Abdou Diassé, Gibraltar ou Centenaire. D’autres font office de nounous pour les lingères qui ont des nourrissons. C’est le cas de Mbène. Sa mère raconte « elle m’accompagnait au travail pour tenir son petit frère ; aujourd’hui, elle garde la fille d’une voisine ». A la question pourquoi elle n’est pas à l’école, Seynabou répond « j’ai égaré son bulletin de naissance ».
Le quotidien en ces lieux est gangrené par la misère. Dans une ruelle des eaux usées s’écoulent de toilettes qui semblent installées pour toute l’agglomération. Ces lieux à eux seuls témoignent de la promiscuité et de la situation sanitaire des habitants. « Nous sommes constamment assaillies par les moustiques et notre chambre était souvent inondée avec les pluies », raconte Seynabou. Exilés au cœur même de la ville, les habitants ne reçoivent aucune assistance des autorités municipales. Pourtant, madame Ciss confie qu’elle continue de payer l’allocation pour son restaurant, qui n’en est plus. « Les femmes participent financièrement pour que je puisse payer les 8000F mensuels à la mairie ».  
Avec la crise, les conditions des femmes de « pompier » se détériorent chaque jour un peu plus. Mais pour ces femmes, trimer est un impératif de survie. Pour l’heure elles continuent d’arpenter les quartiers de Dakar, pour espérer s’assurer un jour un quotidien plus décent.

                                                                                                Ndèye Débo Seck

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