LE "ROUYE" DE MOR NDIAYE


Comme tout le monde le sait, dans la banlieue de Dakar, le transport est assuré, essentiellement, par des taxis collectifs, communément appelés « clando ». Ces véhicules, le plus souvent, de vieux tacots poussifs, voient leur chiffre d’affaire exploser littéralement au moment des fêtes comme la Tabaski, la Korité, ou la Saint Sylvestre par exemple. Et, pour répondre à la forte demande en ces occasions et, ainsi engranger le maximum de profits, ils roulent toute la nuit. Mais, ces périodes fastes, sont malheureusement, également des circonstances où l’on enregistre une nette recrudescence de l’insécurité. Alors, pour minorer les risques d’agression, les chauffeurs exploitants de ces clandos s’organisent comme ils peuvent. C’est ainsi qu’en cette fin d’année 2011, notre ami Mor Ndiaye qui, rappelons-le avait une taille athlétique, avait été appelé en renfort par son cousin Barra Ndiaye, chauffeur de clando qui en général évolue dans les Parcelles Assainies, principalement dans la zone  dénommée « Marché Eglise. »

Voila donc Mor Ndiaye, accompagnateur-escorteur de son cousin, fort satisfait de la situation, même si, pour la circonstance, il perdait le rapport de la place occupée par son garde du corps. Le seul problème est que, accaparés par le travail, ils n’avaient pas pris le soin de s’arrêter pour manger. Toute la journée, ils se sont contentés de quelques sachets de beignets et d’eau.

Lorsqu’aux aurores, exténués, ils décidèrent de s’arrêter pour prendre un peu de repos avant de reprendre le harnais, Mor Ndiaye remarqua que dans la malle de la voiture, quelqu’un avait oublié une soupière solidement  enveloppé dans un linge. Une rapide introspection le convainquit que le propriétaire de cet ustensile ne pouvait être qu’une vieille dame qu’ils avaient embarquée vers les coups de 20h devant le Dispensaire « Dabakh Malick ».  Il le défit pour en voir le contenu. Après un bref examen il conclut que c’était de la bouillie de mil, de ce genre que nos femmes affectionnent et qu’on appelle communément « rouye ». Sans se poser de question, Mor qui avait l’estomac dans les talons l’avala d’un trait, sans être incommodé outre mesure par le fait que c’était froid et que cela avait quand même un goût assez bizarre pour un « rouye ».

Le hasard voulut que, le lendemain, à peu près à la même heure, la même dame les arrêtât encore devant le même Dispensaire. Mor Ndiaye, lui montrant alors la soupière, lui dit : « Est-ce que ceci n’est pas à vous ?  Nous l’avons trouvé dans notre malle arrière et par recoupement, nous avons conclu que cela devait vous  appartenir. »

« Alhamdoulilah ! répondit la dame ! Yeen dé gnou dioup ngueen !!! Vraiment je n’espérais plus retrouver cette soupière ! Vous savez ! J’ai mon petit fils hospitalisé pour paludisme dans ce dispensaire. Hier je lui ai apporté du « rouye ». Il a fait l’effort de le consommer. Mais quelque temps après, il a tout rendu. C’est ces vomissures là que j’avais recueillies dans cette soupière.  Et pour ne pas souiller les lieux je m’étais proposé de tout ramener à la maison où j’aurais jeté le contenu de la soupière dans mon lavabo avant de la récurer ! Vraiment je vous remercie. Yeen de wouté ngueen ak gouney tay yi. Diérédifati» !

Je vous laisse imaginer la tête que fit Mor Ndiaye !!!!!

                                                                                          Baye Mansour Diop

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